Tout est parti du projet de réforme de la fiscalité engagé par le gouvernement, rejeté par l’ensemble des secteurs de la population colombienne et mettant gravement en danger les classes moyennes et pauvres, avec une forte augmentation de la TVA sur l’ensemble des produits de consommation. Cali, Medellin, Bogota s’embrasent, très vite suivies par toutes les villes du pays. La police tire à balles réelles sur les manifestants, plus de 30 morts, 93 disparus, des centaines de blessés. Le président Duque retire le projet de réforme mais il n’est que l’instrument de l’ex-président d’extrême droite Alvaro Uribe qui soutient la sauvagerie de la police. La contestation, très forte, a aujourd’hui gagné tout le pays.
Les deux articles :
(Harare, 7 mai 2021) Depuis La Via Campesina international, nous nous solidarisons avec les luttes et les manifestations du peuple colombien qui ont eu lieu dans le cadre de la GRÈVE NATIONALE qui a débuté le 28 avril et se poursuit encore aujourd’hui.
Les démonstrations déclenchées contre une proposition de réforme fiscale liée à la pandémie sont devenues une manifestation nationale contre l’augmentation de la pauvreté, du chômage, l’échec de la mise en œuvre de l’accord de paix et l’aggravation de la violence qui s’exprime par l’augmentation des massacres, des disparitions forcées, des déplacements et l’assassinat de 1167 leaders sociaux depuis la signature des accords de paix.
Le peuple colombien exprime son indignation face aux injustices historiques et réitère les demandes exprimées depuis des années : PAIX, VIE, TRAVAIL et TERRE ; il proteste contre la mauvaise gestion du gouvernement d’Ivan Duque durant la pandémie, privilégiant les intérêts économiques et méprisant la vie des humbles Colombien⋅ne⋅s. Nous exprimons notre solidarité avec le peuple colombien qui exerce aujourd’hui son droit légitime de protester, et en particulier avec les organisations paysannes, indigènes et afro-descendantes qui se mobilisent depuis les territoires les plus touchés par la violence pour défendre la vie, la terre et le territoire. Nous ratifions notre répudiation de la violence exercée par l’État et sa police qui criminalisent le mouvement populaire, les agents de l’État qui tuent, violent, font disparaître et détiennent illégalement les manifestant⋅e⋅s.
Aujourd’hui, la violence d’État en Colombie se traduit par l’assassinat de 37 manifestants, 831 détentions arbitraires, 222 cas de violence physique, 22 victimes blessées aux yeux, 10 victimes de violence sexuelle par les forces de sécurité et 86 personnes disparues dans le cadre de la Grève nationale.
Nous exigeons du gouvernement d’Iván Duque :
– un cessez-le-feu immédiat contre celles et ceux qui manifestent ;
– des garanties pour l’exercice du droit de manifestation et de mobilisation sociale ;
– la libération immédiate des personnes détenues pour des raisons politiques ;
– enquête et condamnation des meurtriers et des violeurs ;
– la construction d’un dialogue avec la population ;
– la mise en œuvre des accords de paix.
Nous appelons la communauté internationale et les organisations des droits de l’homme à exiger que les mesures nécessaires soient prises pour mettre fin à la violence et avancer dans la construction de la paix.
Nous appelons les organisations qui font partie de La Via Campesina et les organisations alliées à exprimer notre rejet et notre solidarité, à prendre conscience de la situation et à renforcer notre unité et notre lutte.
MONDIALISONS LA LUTTE ET L’ESPOIR !
http://viacampesina.org/Via-info-fr/
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L’ancien maire de Bogotá, Gustavo Petro, parti Colombie Humaine, a analysé la crise politique et sociale que traverse son pays et a assuré que "la fin du modèle néolibéral en Colombie arrive à son terme, il ne vit que de l’extraction du pétrole et du charbon " tout en indiquant que "les politiques publiques de Iván Duque ont brisé la patience de la société colombienne ".
« Cela a conduit à sous-financer l’État et à s’endetter pour favoriser le système financier, des gens vont dans l’extrême pauvreté, en particulier dans les grandes villes comme Bogotá, qui compte un million de pauvres. Quand la réforme fiscale s’accompagne d’impôts sur la nourriture et de taxes sur ceux qui travaillent, la situation explose ».
"il y a une première phase de mobilisation populaire qui fait échec au projet gouvernemental", "vient ensuite une répression barbare et la transformation des jeunes manifestants urbains en « cibles de guerre ». L’objectif est de terroriser les gens qui avaient exprimé l’intention de voter pour moi en 2022, de les faire s’enfermer chez eux pour survivre au milieu d’un champ de bataille ».
Il fait un parallèle avec le gouvernement de l’ancien président Álvaro Uribe , qui a promu la candidature de Duque aux dernières élections : "La stratégie d’Uribe a toujours été d’utiliser la peur des gens pour obtenir des votes, il l’a fait à l’époque des FARC et il veut la reproduire maintenant : la peur conduit à voter pour l’extrême droite".
Petro, candidat à la présidentielle, évoque l’élection de 2022 : « Le dernier sondage m’a donné 40% des électeurs au premier tour et un second tour où je gagnerai sur tous les autres candidats. " "Cela déchaîne une grande peur au sein du gouvernement car l’Uribisme serait à la troisième place, c’est pourquoi ils sont arrivés à la conclusion que des actions dramatiques sont nécessaires pour reconquérir l’électorat".
Face à ce scénario, Petro a évoqué les stratégies électorales déployée par l’ancien président Uribe : « une option serait le coup d’État qui empêcherait les élections de l’année prochaine, ce scénario de la peur permettrait que l’État soit gravement mis en danger car les forces militaires et policières actuelles sont profondément pour Uribe. ". " L’homme qui a le pouvoir en Colombie aujourd’hui s’appelle Álvaro Uribe Vélez, sacrifier Duque n’est pas un problème ». "Ils ont perdu le soutien des Communes Populaires de Medellín qui ont toujours été pro Uribe et sièges d’importants groupes maffieux liés à la drogue. Les mobilisations sont immenses, c’est un fait passionnant pour ceux qui connaissent la Colombie, une société populaire se libérant des mafias".