L’univers cosmogonique Embera-chami et son chamanisme

La photo en logo de cet article : Carlos, chaman de la communauté pour laquelle nous étudions un chantier en projet. Il revient d’avoir officié à la jonction des deux rios proches du village et nous avoir purifié avec des plantes et de la fumée de tabac.

La création
Dachizeze ou Ankore Etre primordial féminin ou masculin
Carabagi qui donne l’origine aux Emberá et à leurs mondes
Trutruica, Opposé à Carabagi, avec le même pouvoir

Niveaux du monde
1. Monde du haut, où réside Carabagi - Monde des choses bleues où résident Dachizeze, Caragabi, les êtres primordiaux et l’âme des morts.
2. Monde du milieu, Humain - Habités par les Emberás, qui souffrent de la confrontation constante entre les jai et les êtres primordiaux.
3. Monde du bas, où réside Trutruica - Habité par les jai (esprits).

Jabaina (chamanisme) – Il ou elle contrôle les essences et établit une relation avec les différents mondes.
Les Emberás considèrent Dachizeze comme l’être primordial, masculin/féminin, créateur de tous les éléments et des premiers êtres.
Il a engendré Caragabi qui a donné naissance aux Emberá et à leur monde, il ordonne le cosmos et donne accès à l’eau, au feu et à la nourriture.
Trutruica est le propriétaire de Armucura, le monde souterrain ; selon certaines versions il a également été créé par Dachizeze, selon d’autres personne il ne lui a pas donné l’existence, et dans ce sens il était similaire à Dachizeze.

Au début, la relation entre le monde humain et celui de Caragabi, monde du haut, était bonne, les hommes pouvaient y accéder par une échelle, mais quand ils ne respectaient pas les tabous alors la possibilité de visiter le monde d’en haut était rompue. Dès lors, seuls les jaibanás (chamans) peuvent accéder aux niveaux essentiels.

Les jai du monde Trutruica sont des agents de maladie et d’agression, mais aussi de guérison et de protection. Parmi les jai se trouvent les "propriétaires" de chaque espèce animale, que les jaibaná invoquent pour permettre leur abondance ou pour les chasser.
Parmi les jai les plus importants, se distinguent :
Antumía  : Jai malin, l’équivalent du diable. Également considéré comme l’esprit de l’eau.
Pakore : Mère de la montagne, elle garde les chasses.
Nusi : Poisson géant.

Le Jaibaná
L’interaction avec les esprits jai est la responsabilité des jaibaná, qui continuent le travail de Caragabi.
Les relations du jaibaná avec le jai garantissent les activités fondamentales de la société et la continuité des cycles naturels, tout en établissant la territorialité des communautés. Les jaibanás peuvent pénétrer dans l’essentialité de toutes les choses présentes dans l’univers, établir une communication avec elles et en faire leurs alliés pour guérir ou attaquer.

Le Jaibaná peut être homme ou femme. Il commence son apprentissage dès l’enfance, guidé par un maître, un jaibaná sage et puissant. Une grande partie de son enseignement lui est transmise par l’apparition du maître dans ses rêves, lui permettant de voir au-delà des limites du temps et de la distance.

Dans leur communication avec les Jais, ils connaissent les propriétés curatives des plantes.
Le jaibaná organise une série de cérémonies visant à communiquer avec les jai. Celles-ci sont exécutées la nuit et doivent comporter les éléments suivants : boissons enivrantes pour le jai ; bâtons de bois, sculptures curatives, feuilles, totumas, peintures faciales et corporelles. Le jaibaná les officie assis sur des bancs de bois généralement sculptés avec la figure d’un animal.

Chamanisme Embera-chami

Scène de guérison à Rio Chico

Le jaibaná frotte une canne sur le corps du patient
La cérémonie de guérison s’appelle "le chant du jai". Le jaibaná, assis sur son banc, tenant ses cannes de la main gauche et tenant une feuille de palmier à sa droite, commence à chanter, comme il le fera rythmiquement et régulièrement toute la nuit, jusqu’à ce qu’il ait terminé sa tâche.
Il demandera aux propriétaires jai de la maladie, à son commandement et sous son contrôle, de retirer le jai de la maladie et de soulager les malades. En fin de compte, les jais partent avec le jai qui cause le mal, qui est maintenant sous le contrôle du jaibaná.
Ils guérissent aussi les maisons, la terre pour semer et récolter, la rivière et la jungle quand les ressources sont rares.
Leur puissance s’étend aux phénomènes naturels, produisant de la pluie, des éclairs, du tonnerre, des tempêtes et des inondations et même des tremblements de terre.
Parmi leurs rites les plus marquants, le "nombril" est pratiqué sur les garçons en pleine lune, quelques jours après la naissance, en appliquant différentes substances sur leur ventre. On dit qu’avec ce rituel, les enfants acquièrent la force de chasser, de pêcher et de naviguer. Ils célèbrent le baptême des enfants, l’initiation des adolescents et la récolte.

L’univers cosmogonique Embera-chami

Homme malade avec une poupée qui représente un esprit guérisseur.

L’univers cosmogonique Embera-chami

Zoomorphes. La représentation de la faune ne diffère pas beaucoup des jai en forme d’animal.
Travaux de terrain de Sergio Carmona, publié dans "Perception et représentation graphique du monde Embera du nord-ouest d’Antioquia", 1988.

L’univers cosmogonique Embera-chami

Anthropomorphes. Les figures à double ligne rouge représentent des esprits puissants, ceux qui ont des cercles ou des points représentent des jai déguisés en serpent.