La mine El Cerrejon, le "diable noir" de la Guajira

Claude, août 2020 2 mn fr

Impossible de parler de la Guajira sans parler de la mine de charbon à ciel ouvert qui y sévit depuis 1976. "Sévir", un verbe bien faible au regard des impacts sociaux et environnementaux occasionnés et qui, années après années, ne cessent de s’aggraver.

Temps de lecture estimé : 2 mn

implantation de la mine 1971
début de la production 1976

Carbones del Cerrejón, situé sur la péninsule de La Guajira à l’extrême nord-est de la Colombie, est la plus grande mine de charbon à ciel ouvert du monde, elle appartient à parts égales à Xstrata, BHP Billiton et Anglo American. Le projet a débuté en 1976 suite à un accord de collaboration entre Carbocol, compagnie d’Etat, et Intercor, filiale d’Exxon Mobile, dans la Zona Norte (CZN). Glencore, BHP et Anglo American ont racheté en 2000 la part détenue par Carbocol et en 2001 la part d’Intercor. Ils ont cumulé la totalité des concessions pour en faire une seule et unique entreprise avec administration colombienne. Glencore a revendu son tiers au printemps 2006 à Xstrata. Carbones del Cerrejón s’étend sur un terrain de 69 000 hectares, dont 11 000 sont actuellement utilisés pour l’exploitation minière.

Deux visions du monde se confrontent sur un même territoire :
  la modernité occidentale : c’est un mégaprojet au service du développement et du progrès
  un régime social de nature organique au sein duquel nature et culture ne s’opposent pas

L’argument principal de Cerrejon : le concept de développement.
Celui de l’Etat, avec Santos actuellement au pouvoir : le Progrès, cad la Paix (pourparlers avec les FARCS), les routes, le tourisme et l’extraction minière comme locomotive du développement et moteur de l’économie.

Le développement, un projet économique et culturel :
  suprématie de la connaissance scientifique
  dualité nature et culture qui s’opposent
  croissance économique et exploitation des ressources naturelles
La métaphore de la croissance liée à celle de l’expansion.
Le développement est une fin en soi. A la fois modèle à atteindre et moyen pour y parvenir.

L’Etat, le grand absent a délégué son objectif de développement et de progrès à la puissance privée. Sous le gouvernement Uribe tout a été vendu, et mis en concessions, y compris les parcs naturels comme le fameux parc Tayrona, modèle de paysage et de nature sauvages et préservés, aujourd’hui propriété de l’Agence de voyage Avianca.

Pour obtenir des terres, s’étendre, faire circuler ses véhicules et son train, ouvrir son grand port Puerto Bolivar, Cerrejon a fait des tactiques et stratégies d’alliance et de parrainage avec un tissus social Wayuu dispersé. Elle a pratiqué avec les leaders des communautés des relations de clientélisme et de cadeaux. Pour exemple, le passage du train uniquement dédié au transport du charbon sur plus de 150 kilomètres et qui a exigé la destruction de plus d’un centaine de cimetières, sachant que l’identité d’une communauté et de son territoire c’est son cimetière.
Résultat : division des communautés jusque dans des familles. Ceux qui ont accepté des cadeaux sont devenus des traitres.

Vicenta : « Ici, à Pancho, notre communauté, nous avons essayé de trouver de l’aide auprès de la fondation Cerrejon. Ils nous ont répondu que nous n’étions pas assez près de la mine, pas en « zone prioritaire ». De toute manière, quand ils nous donnent une aide c’est du pipeau, comme par exemple les vêtements ou la nourriture, tout est de seconde main et en quantité toujours réduite. Les bourses pour que nos enfants pour qu’ils aillent étudier à l’Université ? A qui ils les donnent les bourses ? A la fille du sénateur et au fils du gouverneur… »

Cerrejon avait aussi fait miroiter la création d’emplois. En fait, tous les postes cadres et techniciens sont occupés par des colombiens venus d’ailleurs, voir aussi par des ingénieurs venus de l’étranger. Des Wayuu, une minorité, occupent les emplois subalternes avec des contrats à durée très limitée.

Les impacts sociaux et environnementaux

  Communautés chassées de leurs terres et relogées ailleurs, généralement dans des territoires enclavés et surveillés
  Intimidation des leaders pouvant aller jusqu’à l’assassinat par les groupes paramilitaires.
  Pollution et contamination de l’air, des sols, des cours d’eau, de la nappe phréatique.
  Maladies respiratoires, cardio-vasculaires et de la peau, cancers.
  Captation des ressources en eau : 11 puits qui alimentent l’aqueduc de la mine ; projet (annoncé en 2013) aujourd’hui repoussé de déviation du rio Rancheria ; nouveau projet de déviation du rio Bruno auxquels il faut ajouter le très grand barrage sur le Rancheria pour alimenter en eau les cultures de riz et de palmes propriétés d’anciens paramilitaires et maffieux.
  La sécheresse de la Guajira ainsi aggravée occasionne la perte des animaux et de la flore, la dénutrition et la mortalité infantile, elle en Progrès.
 Contamination des sols et des fonds marins côtiers, disparition des tortues, forte diminution des poissons et crevettes.

La communication de l’entreprise, un monument de contre-vérités :
[http://www.cerrejon.com/&prev=search-]


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