EXPO : oeuvres d’Angela la Negra & Lucas Rodriguez

samedi 21 septembre 16h à 21h Hangar la Cépière Toulouse

QUI SOMMES NOUS ?

Esprit d’oiseau dans des puits de rêve

Ce sont des chants à la Terre Mère dans une tonalité majeure,
ce sont des chuchotements qui viennent de forêts lointaines,
des mots insaisissables qui cherchent à devenir une goutte d’eau
dans le cœur humain.
Ce sont des tonalités douces comme pour dire :
« Allons en silence sur les chemins humides de la vie,
l’herbe de l’espoir nous accueille au milieu de la nuit
et de ses ombres,
nos empreintes s’embrassent à la terre et la grêle chante
entre les feuilles de l’arbre.
Nous sommes le feu des étoiles
qui se dégagent de la voûte céleste
annonçant le temps nouveau.
nous tissons ici le cercle du papillon jaune,
semant de l’eau dans les lieux déserts,
bref, nous sommes esprit d’oiseau
dans des puits de rêve ».
Winay Maliki

Marcher c’est comprendre une manière personnelle et collective de vivre le territoire. Alors, nous marchons, beaucoup ; et nous regardons, tout autant.

Actuellement, nous vivons et travaillons en Colombie, entre Bogota la capitale et Aquitania, une petite ville des montagnes du Boyaca, ouvrière et paysanne, située à trois mille mètres d’altitude au bord du très grand lac Tota. Mais nous menons aussi des travaux dans des territoires ruraux du Pérou et de Bolivie.

Dans notre démarche artistique, nous nous intéressons particulièrement à l’accompagnement et au soutien de causes et luttes communautaires et collectives ; elles expriment et protègent les territoires, leurs ressources, le sol, l’eau, la faune et la flore, et celles et ceux qui y vivent et y travaillent.

Nous avons créé Animales de monte – Animaux de la montagne – en 2018. C’est une école de l’image au service des populations paysannes et ouvrières, elle est gratuite. Elle a pour raison de faire connaître et aimer ce qui se vit et se rêve sur le vaste territoire d’Aquitania, mais aussi ailleurs. Pour champs de travail et de recherche elle puise dans des réalités telles que celles de la paysannerie, de la ruralité, de la souveraineté alimentaire, des problèmes liés à l’environnement et au climat, des dialogues de genre.

Où puise notre démarche de création

Les campagnes colombiennes, plaines, vallées et montagnes, sont habitées par des populations très diverses. Les traditions ancestrales y sont toujours vivantes, les relations avec la nature chargées de symboles et allégories d’une belle complexité, surtout dans les populations les plus éloignées des villes. Pour beaucoup de paysans d’Amérique du sud, les situations sociales et politiques sont particulièrement difficiles ; par exemple, les structures coloniales avec les immenses propriétés, gardées par des milices, y sont toujours en vigueur, mais aussi, pour la Colombie, les violences des cartels et groupes maffieux, des paramilitaires à la solde de l’extraction minière et des grands propriétaires terriens.

Les identités colombiennes, identités syncrétiques, sont visibles dans les cosmogonies indigènes, leurs pratiques comme celles des afros-colombiens, des paysans métis ou blancs. Les formes et manières d’agir et de penser révèlent des caractères traditionnels et modernes qui se mêlent, se superposent, s’entrecroisent.

Par notre travail de création et de formation, nous avons été amenés à mieux comprendre la complexité des variations et différences de situations et manière de vivre, à adapter le regard dit moderne à des lieux et des temps où humains et nature coexistent dans une grande complexité.
En Colombie, les peuples autochtones n’ont bénéficié d’une reconnaissance constitutionnelle qu’en 1991, les paysans n’ont été incorporés à la loi qu’en… 2023 ! avec le gouvernement de Gustavo Petro.

Les habitants des communautés situées en territoires de montagne, de vallées fluviales et de forêt produisent 70% de l’alimentation colombienne. Leurs labeurs et productions, tout comme leur vie quotidienne, sont conditionnés par des environnements aux paysages certes diversifiés, mais pour la plupart difficiles d’accès ; ils sont aussi soumis au racisme et mépris de populations aisées urbaines, aux inégalités sociales, aux violences malheureusement toujours actives dans le pays.

Ainsi, traversés par toutes ces situations, les territoires latino-américains sont marqués par une histoire de résistance et de lutte des collectivités rurales et génèrent une identité à la fois diverse et commune à l’ensemble. Des identités qui se reconnaissent parmi les individus et communautés, une identité commune inscrite dans la couleur des peaux, dans l’extraordinaire variété des vêtements, dans le travail incessant de la terre et l’élevage, dans la justanza.

La justanza est propre aux communautés rurales, ce sont les réunions pour résoudre une situation ou un problème collectif, ou bien encore pour atteindre un objectif commun. Elles portent aussi d’autres noms, tel la minga, le convite, la mano prestada ou la yanama.

La spiritualité et les pratiques religieuses des populations rurales d’Amérique latine a clairement plusieurs racines : indigènes, afro et européennes. Les pratiques religieuses en milieu urbain sont beaucoup plus occidentalisées que celles qui se déroulent en milieu rural et n’en ont donc pas la richesse visuelle, rituelle et spirituelle.
Les formes de célébration et de déification portent les noms de Jésus, de la Vierge Marie, de Dieu, mais aussi de Pacha Mama, d’Apu, de la Terre Mère. Le catholicisme s’est emparé des espaces rituels de la plupart des territoires, toutefois, en certains endroits, des eucharisties sont célébrées dans les langues indigènes, avec des offrandes de plantes sacrées (comme le tabac, la coca, le frailejón, le nopal, le yagé) et parfois des sacrifices d’animaux, ou encore la consommation de plantes psychoactives. II est aussi courant de faire des offrandes à la terre, de nourrir les esprits des montagnes, des rivières ou de la jungle pour demander l’autorisation de pouvoir semer, voyager ou obtenir des bénéfices matériels ou financiers. Ainsi, La prospérité, l’abondance, sont demandées, célébrées, payées. La production de la terre dépend du don qui lui est fait.
Dans de nombreuses régions d’Amérique latine, l’utilisation de plantes médicinales est cou-rante. Ces plantes ne soignent pas seulement les maux physiques, mais aussi les maux émotionnels et spirituels ; elles jouent un rôle très important dans les pratiques religieuses et quotidiennes des communautés. Certaines de ces plantes ont de puissants effets hallucino-gènes et sont utilisées dans des contextes rituels particuliers et qui peuvent surprendre, en particulier chez les peuples indigènes. Ces plantes et les espaces rituels où elles sont con-sommées ont été menacés, accusés et dans certains cas détruits, au nom du marketing spiri-tuel et des accusations catholiques, du trafic de drogue, mais aussi, et très fortement, par l’appropriation exercée par les industries pharmaceutiques et leurs dérivés.

Exploitations et conflits

En Colombie, époques passées et celle présente s’affrontent ou s’ignorent, elles ne disparaissent pas et les blessures, même les plus lointaines, saignent encore. Sols et rivières ou lacs sont exploités, pillés, volés et de même les ressources des montagnes et des forêts, dont l’Amazonie. Ceux qui y vivaient en ont été pour beaucoup chassés, dans une moindre mesure les déplacements forcés continuent.

Nous disons souvent, « notre richesse est notre malheur, notre abondance une tragédie ». Qui défend les territoires ? Ceux qui ont le moins de droits, comparés aux accapareurs : les paysans, les communautés indigènes et afro. Ils s’opposent, s’unissent pour lutter, leurs représentants sont poursuivis, trop souvent tués.

Les déplacements forcés, l’inégalité (l’une des plus forte au monde), le manque d’opportunités pour vivre, la pauvreté endémique et même dans certaines régions comme la Guajira, la malnutrition et la faim, continuent. Selon le ministère de la Santé publique, de 1985 à 2019, les conflits armés ont fait plus de huit millions de déplacés et victimes.

Depuis 2022, un nouveau gouvernement, socialiste cette fois, dirige le pays. Les réformes qu’il tente d’engager, celles de la Santé, de la restitution des terres, de la Paix connaissent une opposition farouche de ceux aujourd’hui devenus les opposants, hier au pouvoir depuis des décennies, soutenus par la grande majorité des médias acquis à leurs causes.

La terre
est le début de la joie et des larmes ;
en elle vit le placenta rouge
transformé en pierre noire,
c’est en elle que se déroulent les rituels des êtres souterrains
qui lient notre sang
avec les lianes du temps.
Dans cette terre
il y a la plume du toucan
il garde la couleur de la vie,
là se trouve l’eau libre et agitée,
l’arôme et le goût de toutes les herbes
qui nous emmènent au paradis et en enfer,
il y a toi et moi
avec la force des rêves.
Sur cette terre noire ou jaune nos os iront
quand la bouche du temps les aura aspirés ;
nous retournerons alors à ce placenta,
à cette plume, à l’eau qui caresse les corps ;
nous irons chanter parmi les fils verts de ces herbes
pour nourrir tous les rêves des hommes.
Nous redeviendrons dent de tigre,
poème de la nuit, tambour de jument,
le son d’une flûte au cœur de la nuit
au plus profond de la grande montagne.